Chapitre 12
Nous fîmes un arrêt en nous rendant à la grotte. Bones appela quelqu’un depuis son portable puis se gara sur le bas-côté, près de la zone la plus boisée du trajet. À peine cinq minutes plus tard, une voiture s’arrêta derrière nous.
— Salut mon pote ! cria Ted.
— Toujours aussi rapide, mon vieux, le salua Bones en sortant de mon pick-up.
Il alla jusqu’à l’arrière du véhicule et je l’entendis déplacer sa moto. Il l’avait couchée sur le corps de Stéphanie. Écrasé sous un tel poids, le cadavre ne risquait pas de s’envoler.
Je restai dans le pick-up car je ne me sentais pas d’humeur à faire la causette.
— Qu’est-ce que tu nous amènes ? demanda Ted en me faisant un signe amical de la main par-dessus l’épaule de Bones.
— Un repas pour la goule de ton choix, mais assure-toi qu’elle finit bien son assiette. Je ne veux pas qu’un seul morceau refasse surface, répondit Bones.
J’eus un haut-le-coeur. Plutôt radical comme moyen de se débarrasser d’un corps ! Et moi qui croyais que nous allions l’enterrer ! L’offrir comme dîner à une goule ne me serait jamais passé par la tête.
Ted ne partageait pas mes scrupules.
— Ça marche, mon pote. Rien de spécial à lui préciser ?
— Si. (Bones lui passa le paquet et Ted le laissa tomber dans son coffre.) Dis-lui de faire attention de ne pas se casser une dent sur la balle.
C’en était trop pour moi. J’ouvris la portière juste à temps. Submergée par le souvenir des événements de la soirée, je vomis mes tripes.
— Elle est malade ? demanda Ted tandis que je toussais et que j’aspirais de grandes bouffées d’air frais.
Bones émit comme un soupir.
— Ça va aller. Faut qu’on y aille, mon vieux. Merci.
— De rien, mon pote, à ton service.
Je refermai ma portière au moment où Bones reprenait sa place derrière le volant. Ted nous fit un appel de phares en reculant, puis il disparut.
Bones fouilla dans sa veste et me tendit une flasque.
— Du whisky. Pas ta marque favorite, mais c’est tout ce que j’ai.
Je pris la bouteille avec reconnaissance et la vidai jusqu’à la dernière goutte. La chaleur artificielle de l’alcool réchauffa un peu mes membres glacés.
— Ça va mieux ?
— Oui.
J’avais la voix éraillée à cause de la brûlure de l’alcool, mais le whisky avait eu plusieurs effets bénéfiques. Je commençais à retrouver mes esprits et une foule de questions se bousculaient dans ma tête.
— Maintenant on va arrêter de jouer aux devinettes, Bones. Qui est Hennessey, et qu’a-t-il à voir avec une hystérique excitée de la gâchette qui suivait mes cours de physique ?
Nous avions repris la route. Tout en conduisant, Bones me regarda du coin de l’oeil.
— Tes cours de physique ? Tu l’as rencontrée à la fac ?
— Je crois que c’est à toi de me répondre en premier, vu que c’est moi qui ai failli me faire descendre, dis-je d’un ton brusque.
— Chaton, j’ai bien l’intention de te répondre, mais, s’il te plaît, dis-moi d’abord comment tu l’as rencontrée et ce qui s’est passé ce soir.
Je sentis ma mâchoire se crisper.
— Elle était en physique avec moi, comme je viens de te le dire. Dès le premier jour, elle s’est mise à m’attendre à la fin des cours. Elle a commencé par me poser des questions sur les leçons qu’elle avait séchées, puis elle m’a raconté des choses sur elle. Des trucs marrants ou sans importance, comme les types avec qui elle était sortie ou d’autres histoires de ce genre... Elle avait l’air si sympa. Ensuite, elle m’a posé des questions sur ma vie et je lui ai dit la vérité. Que je sortais d’un centre universitaire de premier cycle, que je ne connaissais personne à la fac, que je venais d’une petite ville... (Soudain, j’éclatai :) Cette salope préparait son coup ! Tout à l’heure, elle m’a dit qu’elle cherchait quelqu’un qui ne manquerait à personne, et je me suis quasiment peint une cible sur la figure !
— Que s’est-il passé exactement ? insista-t-il.
— Oh, elle a fait un peu plus que m’interroger sur mon passé. (Je lui décrivis brièvement l’invitation et tout le cirque autour de l’essayage de vêtements. Puis, en guise de conclusion :) Ensuite, elle a sorti un pistolet.
— A-t-elle mentionné un nom ?
Je me repassai mentalement notre conversation.
— Non. Elle a dit quelque chose à propos du paiement de son loyer, et aussi que j’étais du goût de son propriétaire, et ensuite elle a ajouté que les étudiantes étaient toutes des idiotes et quelle devrait s’enregistrer sur une bande... mais elle n’a pas donné de nom.
Bones resta silencieux. J’attendis en me tapotant la cuisse du doigt.
— Quel est le rapport avec Hennessey ? À l’appartement, tu as dit que tu percevais son odeur et celle d’autres vampires. Tu crois qu’il a découvert mon identité après l’autre soir ? Et qu’il a essayé de finir ce qu’il avait commencé ?
— Non. (Sa réponse avait été immédiate.) Elle préparait son coup depuis une semaine, d’après ce que tu m’as dit. Crois-moi, si Hennessey avait découvert ton identité, il n’aurait pas fait preuve d’autant de patience. Il aurait agi en force sur-le-champ, dès l’instant où il aurait appris qui tu étais. Il t’aurait enlevée, ainsi que toutes les personnes qui auraient eu le malheur de se trouver avec toi. C’est pour ça que je t’ai demandé ce que tu avais touché et que j’ai effacé tes traces dans chacune des pièces. Je ne pense pas que tes empreintes soient fichées, mais je ne veux lui laisser aucun indice pouvant lui permettre de remonter jusqu’à toi.
— Si ça n’a rien à voir avec ce qui s’est passé le week-end dernier, alors qu’est-ce qui le relie à Stéphanie, et pourquoi a-t-elle essayé de m’enlever ? Ça n’a pas de sens !
Il me lança un regard impénétrable.
— On va y réfléchir à l’intérieur. Ça me permettra de regarder ses affaires pendant qu’on parlera.
Je le suivis dans la grotte d’un pas décidé. Pas question qu’il s’en sorte sans m’avoir tout dit. J’avais compris qu’Hennessey était une vraie ordure, mais, de toute évidence, cela allait plus loin. Je ne partirais pas avant d’en savoir plus.
Bones et moi franchîmes l’entrée étroite pour nous rendre jusqu’à la zone la plus haute de la grotte, là où il s’était installé. Il vida le sac-poubelle de son contenu et je m’assis sur le canapé en face de lui. Je le regardai commencer par l’ordinateur portable de Stéphanie.
— Tu as déjà entendu parler du Triangle de Bennington ? demanda-t-il en allumant l’ordinateur.
Je fronçai les sourcils.
— Non. Je ne connais que celui des Bermudes.
Ses doigts voletaient sur le clavier. Bon sang, ils étaient incroyablement agiles ! Au bout d’une seconde, il renifla d’un air dégoûté.
— Cette idiote n’a même pas pris la peine de protéger ses dossiers. Elle était aussi stupide qu’arrogante, mais ça nous arrange. Regarde, te voilà, Chaton. Classée dans la catégorie « Potentielles ». Tu devrais te sentir flattée, tu étais la première sur sa liste.
Je regardai par-dessus son épaule et lus : « Cathy – rousse – vingt-deux ans », ainsi que d’autres noms accompagnés du même genre de description.
— Tu rigoles ? C’est qui, ces autres filles ? Et d’abord, que veut dire ce « Potentielles » ?
Il fit de nouveau courir ses doigts sur les touches du clavier, puis il se recula en souriant.
— Tiens tiens, qu’avons-nous là ? Charlie, et le Club Flamme, sur la 42e Rue. On dirait un contact. Espérons que cette crétine a été assez idiote pour écrire le vrai nom de l’endroit et pas un code.
— Bones !
À mon ton brusque, il posa l’ordinateur et me regarda dans les yeux.
— Le Triangle de Bennington est une région du Maine où plusieurs disparitions ont eu lieu dans les années 1950. À ce jour, on n’a retrouvé aucune trace des disparues. La même chose était arrivée au Mexique plusieurs années plus tôt. Notamment à la fille d’une de mes amies. Ses restes ont été retrouvés quelques mois plus tard dans le désert, et quand je parle de restes, je veux dire qu’ils n’ont retrouvé d’elle que de petits morceaux. Il a fallu avoir recours à son dossier dentaire pour l’identifier. L’autopsie a révélé qu’elle était restée en vie pendant plusieurs mois avant d’être assassinée. J’ai poussé l’enquête un peu plus loin et j’ai découvert que c’était loin d’être un cas inhabituel.
— Comment ça ?
Bones s’appuya contre le dossier de son fauteuil.
— A la même époque, des centaines de femmes ont été assassinées ou enlevées le long de la frontière mexicaine. Aujourd’hui, on n’a toujours pas le moindre indice quant à l’identité du ou des coupables. Mais il y a quelques années, plusieurs jeunes filles ont disparu dans la région des Grands Lacs. Dernièrement, le phénomène s’est concentré dans l’Ohio. La plupart étaient des fugueuses, des prostituées, des toxicomanes, ou des filles qui passaient totalement inaperçues. Toutes ont disparu sans laisser aucun indice suspect derrière elles. Comme la plupart d’entre elles appartenaient à des catégories à hauts risques, les médias n’en ont pas beaucoup parlé. Je pense qu’Hennessey est dans le coup. C’est pour ça que je suis venu. Il était toujours à proximité des trois régions concernées lorsque les disparitions ont commencé.
— Tu crois que c’est Hennessey qui est derrière tout ça ? (Le nombre de victimes me donnait le tournis.) Il ne peut quand même pas manger autant que ça ! C’est qui ce type, une sorte de... tueur en série mort-vivant ?
— Oh, je pense que c’est un meneur, ça ne fait aucun doute, mais ce n’est pas un tueur en série traditionnel, dit Bones d’un ton acerbe. Les motivations des tueurs en série ont davantage à voir avec la possessivité. Selon les informations que j’ai réussi à glaner au fil des ans, je ne pense pas qu’il garde les victimes pour lui – je crois qu’il en a fait un commerce.
J’étais sur le point de demander quel genre de commerce lorsque je me rappelai ce que Bones avait dit à Sergio le week-end dernier : « Je savais que tu ne pourrais pas résister à une jolie fille... Tu es son meilleur client, à ce que j’ai entendu dire... ton compte en banque doit être à sec pour que tu sortes dîner au lieu de te faire livrer. » Puis je repensai aux paroles de Stéphanie : « Je paie mon loyer, et toi, mon chou, tu corresponds exactement au goût du propriétaire... Vous, les étudiantes, vous êtes toutes les mêmes...»
— Tu penses qu’il a monté un service de vente à emporter, soufflai-je. Il livre les filles comme des pizzas à domicile ! Mon Dieu, Bones, comment a-t-il fait pour s’en sortir sans se faire prendre ?
— Hennessey a commis des erreurs dans le Maine et au Mexique, mais sa technique s’affine. Maintenant, il choisit des femmes qui appartiennent au ban de la société, et si ses victimes ne font pas partie de cette catégorie, il envoie des vampires pour faire en sorte qu’elles ne soient pas portées disparues. Tu te souviens des filles dont Winston t’a parlé ? Il avait raison, ma belle, elles sont bel et bien toutes mortes. Je voulais être sûr qu’il y avait plus de filles disparues que la police n’en avait enregistré, c’est pour ça que je t’ai envoyée voir Winston. Les fantômes savent qui est mort, même si les familles des victimes ne le savent pas. Je suis allé voir les parents de ces filles, tous avaient été mordus par des vampires. Les uns pensaient que leur fille était partie pour devenir actrice, comme te l’ont dit ceux que tu as contactés, d’autres que la leur était en vacances en Europe, ou qu’elle avait emménagé avec un ancien petit ami. Les familles avaient été programmées pour ne pas se poser de questions sur leur absence, et seul un vampire est capable d’exercer un tel contrôle sur les esprits. Ces derniers temps, Hennessey a fait enlever encore plus de filles. Dans des facs. Dans la rue. Dans des bars, des boîtes, dans les quartiers pauvres. Comment a-t-il réussi à s’en tirer ? C’est simple. Ça t’arrive souvent de regarder les visages de disparus sur les affiches ? Des disparitions, il y en a tout le temps. La police ? Les flics sont déjà bien assez occupés avec les délits concernant les gens riches, célèbres ou puissants ; ils ne vont pas prêter une véritable attention à des rebuts de la société. Quant aux autres disparitions, ils ne sont pas au courant. En ce qui concerne le monde des morts-vivants, Hennessey a parfaitement manoeuvré pour effacer ses traces. Nous n’avons pas de preuves, seulement des soupçons.
Maintenant que je savais ce qui se passait dans mon propre État, le comportement de Stéphanie devenait parfaitement logique, à condition d’avoir comme elle le sens moral d’un crocodile. Un immense campus rempli d’étudiants, c’était ça son buffet à volonté, à part que ce n’était pas pour son plaisir à elle. Non, elle avait juste été embauchée pour remplir le frigo d’Hennessey. Et avec mon profil, je constituais un mets de choix. Stéphanie avait vu juste. Je pouvais disparaître très facilement, sans que cela fasse de vagues, et son plan aurait marché comme sur des roulettes. Sauf qu’elle ignorait un petit détail sur moi.
— Ça fait longtemps que tu as des soupçons ? Tu m’as dit que tu traquais Hennessey depuis onze ans. Tu étais au courant de ses agissements depuis tout ce temps ?
— Non. J’ai découvert tout ça il y a seulement deux ans. N’oublie pas qu’au départ je ne savais pas qui je cherchais. Qui ou quoi. J’ai dû interroger des dizaines de types avant d’obtenir la moindre bribe d’information, et quelques dizaines d’autres pour avoir le nom du responsable potentiel. Comme je te l’ai dit, il avait bien effacé ses traces. Ensuite, j’ai traqué ceux parmi ses habitués dont la tête était mise à prix. Sergio était l’un d’eux. Ça fait des années que j’essaie d’identifier ces hommes, mais j’avais décidé de ne passer à l’acte que pour ceux qui étaient recherchés. Comme ça, Hennessey ne pouvait pas se douter que c’était après lui que j’en avais. Il pensait que je faisais juste mon travail. Mais maintenant, il sait qu’il est ma cible, et il sait pourquoi, comme tous ceux qui sont impliqués dans ce trafic, car il n’est certainement pas seul.
Je pris une minute pour digérer toutes ces informations.
— Donc, même si tu réussis à avoir Hennessey, ça risque de continuer. Ses associés pourraient reprendre le flambeau. Tu as une idée de qui ça peut être ?
— J’ai failli le découvrir à plusieurs reprises, mais... Certaines choses se sont produites.
— Comme quoi ?
— Comme toi, en fait. Si je ne te connaissais pas mieux, je jurerais que tu as été envoyée par Hennessey. Tu as la sale habitude de tuer les gens avant que j’aie le temps de leur soutirer la moindre information. Tu te souviens de Devon, le type que tu as tué le soir de notre rencontre ? Je le traquais depuis six mois. C’était le comptable d’Hennessey, il savait tout sur lui, mais tu lui as planté ton pieu en argent dans le coeur avant qu’il ait eu le temps de dire ouf. J’ai alors cru qu’Hennessey avait senti que je me rapprochais et qu’il t’avait envoyée pour le faire taire. Le lendemain soir, tu t’es attaquée à moi. À ton avis, pourquoi je n’arrêtais pas de te demander pour qui tu travaillais ? Et ce soir...
— Je ne voulais pas qu’elle meure ! m’écriai-je.
J’étais de nouveau prise de remords d’avoir tué Stéphanie, mais cette fois-ci pour une autre raison.
Quelles informations avait-elle emportées dans la tombe ? Nous n’en saurions jamais rien.
Bones se leva et continua à me parler alors qu’il disparaissait derrière l’une des parois naturelles de la grotte.
— Ne t’inquiète pas, ma belle, je le sais. Jamais tu ne tuerais un être humain, sauf par accident ou s’il arborait un badge « acolyte de vampire ». Visiblement, tu ne savais pas que Stéphanie avait de telles relations, et, d’après ce que j’ai vu, vous étiez en train de lutter quand le coup est parti. Elle devait même tenir fermement le pistolet. Son odeur indique qu’elle avait reçu du sang de vampire. Ça la rendait plus forte physiquement, ce qui devait lui être utile dans son... travail.
Cela expliquait pourquoi elle avait la force d’un pilier de rugby malgré sa frêle silhouette féminine. Je l’avais sous-estimée du début à la fin.
— Pourquoi ne m’as-tu rien dit de tout ça plus tôt ? Tu m’as entraînée pour le combat, mais ensuite tu m’as laissée en dehors de la vraie bataille.
Il répondit, toujours invisible :
— Je ne voulais pas te voir impliquée là-dedans. Nom de Dieu, je préférerais même que tu ne risques pas ta vie à chasser des vampires, mais comme c’est ce que tu voulais, j’ai décidé de t’aider à le faire du mieux possible. De toute façon, si je te demandais de rester tranquillement chez toi, tu ne m’écouterais pas, pas vrai ? Mais Hennessey et ses sbires sont différents. Après Sergio, tu ne devais plus rien avoir à faire avec eux, mais ta petite copine du cours de physique a tout fichu en l’air. Tu devrais te féliciter de l’avoir tuée. Les autres « potentielles » le feraient certainement si elles connaissaient le sort auquel elles ont échappé.
— Si tu m’as tenue éloignée de tout ça, c’est seulement pour des raisons de sécurité, ou bien y a-t-il d’autres choses que j’ignore ?
Je l’entendis verser de l’eau dans quelque chose.
— Oui, il y a autre chose. Je ne voulais pas te donner de raison supplémentaire de détester les vampires. Tu avais déjà assez d’à priori négatifs sur eux. Tu as tendance à juger les gens qui n’ont pas de pouls sur ce qu’ils sont et non sur ce qu’ils font.
Je me tus quelques instants, n’ayant rien à répondre à cela. Rien d’honnête, en tout cas.
— Il y a un truc qu’il faut que tu saches, Bones. Je t’ai menti quand on a passé notre accord. Je comptais te tuer à la première occasion.
Il eut un petit rire sec.
— Je le savais, ma belle.
— Et en ce qui concerne Hennessey... je veux t’aider. Je dois t’aider. Mon Dieu, j’ai failli être l’une de ces filles qui disparaissent sans laisser de trace ! Je sais que c’est dangereux, mais si tu découvres l’emplacement de ce Club Flamme, si tu as une piste, je veux être là. Il faut impérativement stopper Hennessey.
Bones ne répondit pas.
— Je suis très sérieuse ! insistai-je. Reconnais que je joue plutôt bien le rôle du loup déguisé en agneau ! Franchement, tu connais beaucoup d’autres filles hybrides qui vivent dans une région où ces enlèvements sont en train de se produire ? Tu n’arriveras pas à me faire renoncer !
— C’est ce que je vois. Tiens. (Il revint avec une cuvette remplie d’eau et un morceau de tissu. Il les posa à côté de moi et me tendit l’une de ses chemises.) Tu es couverte de sang. Si tu rentres dans cet état, ta mère va croire que tu as été blessée.
Je baissai les yeux pour me regarder. Le sang de Stéphanie avait dessiné un grand cercle rouge sur mon ventre. Toujours dominée par mes préjugés, même si le fait de l’avoir tuée ne me dérangeait plus autant, j’enlevai précipitamment mon chemisier et commençai à frotter ma peau avec vigueur.
Ce n’est qu’après avoir effacé la dernière trace de sang que je sentis le poids de son regard. Lorsque je relevai la tête, ses yeux étaient rivés sur moi et avaient pris une teinte verte.
— Hé. (Je reculai d’une dizaine de centimètres sur le canapé.) Ce n’est pas l’heure du dîner. Ne te mets pas dans tous tes états à cause du sang.
— Parce que tu crois que le sang a quelque chose à voir avec la manière dont je te regarde en ce moment ?
Le timbre de sa voix était étrange. Chargé de non-dits.
Je me forçai à ne pas laisser transparaître la moindre réaction, mais mon coeur battait plus vite, et pas à cause de la peur.
— Les yeux verts, les crocs qui pointent... c’est assez compromettant, si tu veux mon avis.
— Vraiment ? (Il s’assit et poussa la cuvette.) On dirait que j’ai oublié de t’informer de ce qui peut aussi déclencher une telle réaction. Je vais te donner un indice – ce n’est pas la vue du sang.
Oh. J’inspirai profondément.
— Après ce qui s’est passé le week-end dernier, tu as vu tout ce qu’il y avait à voir chez moi, et je doute que tu sois submergé de désir par le simple fait de me voir en soutien-gorge.
— Chaton, regarde-moi, dit-il d’une voix ferme.
Je clignai des yeux.
— C’est ce que je fais.
— Non. (Il se rapprocha de moi dans un mouvement très fluide, ses yeux désormais entièrement verts.) Tu regardes à travers moi, comme si je n’étais pas là. Tu me regardes... et ce n’est pas un homme que tu vois. Tu vois un vampire, et par conséquent tu m’accordes moins de substance, sauf en de rares occasions, comme le week-end dernier. Je t’ai tenue dans mes bras et je t’ai embrassée, j’ai vu le désir briller dans tes yeux, et j’ai su que pour une fois tu me prenais réellement pour ce que j’étais. Pas un simple coeur éteint entouré d’une coquille. Je te mets au défi de me regarder encore une fois de cette manière, sans pouvoir te cacher derrière l’excuse d’un quelconque produit chimique. J’ai envie de toi. (Un léger sourire tordit ses lèvres alors qu’il faisait cet aveu brut.) Je te désire depuis la minute où on s’est rencontrés, et si tu penses que te regarder seulement vêtue d’un soutien-gorge ne me submerge pas de désir, tu te mets le doigt dans l’oeil. C’est juste que je ne m’impose jamais là où je ne suis pas invité.
Pendant quelques secondes, je fus incapable de prononcer la moindre parole. La soirée avait été très riche en événements et mon cerveau avait du mal à faire le tri. Je regardai Bones, et j’eus l’impression que des écailles me tombaient des yeux. Tout à coup je le vis réellement. Ses pommettes hautes, ses sourcils sombres qui surplombaient ses yeux devenus émeraude, sa bouche ourlée, son nez droit, sa mâchoire puissante. Il avait une peau cristalline, et une carrure élancée et souple. Ses mains étaient élégantes et ses doigts longs et fuselés. Dieu qu’il était beau. D’une beauté totale, incroyable. Et à présent que je m’étais enfin autorisée à le reconnaître, je ne pouvais plus le quitter des yeux.
— Embrasse-moi.
J’avais prononcé ces mots sans même y réfléchir, et je me rendis compte que cela faisait un bout de temps que j’avais envie de les prononcer. Bones se pencha au-dessus de moi et ses lèvres se refermèrent doucement sur les miennes. Tendrement. Il me laissait encore une chance de changer d’avis et de le repousser, mais je n’en fis rien. Je glissai mes bras autour de son cou et je l’attirai plus près de moi.
Il passa sa langue sur mes lèvres jusqu’à ce que j’ouvre la bouche. Sa langue toucha alors la mienne un court instant avant de battre en retraite, par provocation. Il recommença ce petit jeu, encore et encore. Il m’enjôlait, me persuadait. Enfin, je glissai ma langue dans sa bouche et je sentis une friction en réponse, avant d’être submergée par une incroyable vague de sensualité lorsqu’il se mit à la sucer.
Je ne pus m’empêcher de gémir. Le frottement de ses incisives aurait dû me déranger, mais il n’en était rien. Il ne semblait pas plus gêné que moi, car il m’embrassait avec la même passion que le week-end dernier. Mes sens s’enflammèrent et je fis glisser ma main de son cou jusqu’à sa chemise, dont je défis un à un les boutons. Puis je posai mes paumes sur son torse nu. Sa peau était aussi agréable à caresser qu’à regarder. On aurait dit de la soie tendue sur de l’acier. Bones passa une main derrière lui pour écarter le col de ses épaules, et la chemise tomba par terre. Il continuait à m’embrasser jusqu’à m’en faire perdre haleine.
Comme animées d’une volonté propre, mes mains passaient de sa poitrine à son dos, mes doigts suivant les creux et les lignes de son corps musclé. Sa peau émettait une sorte de vibration électrique. J’avais l’impression qu’elle abritait un éclair. Bones poussa un grognement sourd sous l’effet de mes caresses, et glissa encore plus près jusqu’à ce que nos corps s’emboîtent parfaitement.
Il fit lentement descendre ses lèvres le long de mon cou et trouva mon pouls sans hésitation. Il aspira ma peau dans sa bouche et couvrit mon artère vulnérable de caresses avec sa langue et ses lèvres. Il n’y avait pas de position plus dangereuse que celle-ci en présence d’un vampire, mais je n’avais pas peur. Au contraire, le sentir sucer mon cou m’excita au-delà de toute limite. Les vagues de chaleur qui me submergeaient me faisaient trembler.
Ses lèvres remontèrent jusqu’à mon oreille, il en lécha le pourtour avant de me murmurer :
— J’ai tellement envie de toi. Dis que tu as envie de moi. Dis-le.
Le nier aurait été un mensonge éhonté. Une seule chose me retenait encore : le souvenir de Danny.
— Bones... ça ne m’a pas plu la première fois. Je crois que... j’ai un problème.
— Tu n’as aucun problème, et si tu changes d’avis ou que tu me demandes d’arrêter, à n’importe quel moment, j’obéirai. Tu peux me faire confiance, Chaton. Dis oui. Je t’en prie...
Bones se remit à m’embrasser avec une telle vigueur que je m’abandonnai contre lui. J’étais appuyée contre son bras, et je me dégageai juste le temps de prononcer un mot.
— Oui...
Aussitôt il m’embrassa de nouveau. Il me prit dans ses bras et me porta jusqu’à la chambre. Le matelas gémit sous notre poids tandis qu’il m’allongeait sur le lit. D’un seul geste, il dégrafa mon soutien-gorge et prit mes seins dans ses mains. Il fit courir sa bouche jusqu’à mon téton et le suça fermement.
Je sentis une vague de désir pur envahir mon bas-ventre. Il serra doucement mon autre sein en caressant le téton entre ses doigts. Je me cambrai et saisis sa tête entre mes mains. Les sensations étaient trop fortes – les succions de sa bouche, le léger raclement de ses dents contre ma peau –, et je crus que j’allais m’évanouir.
Bones défit la fermeture Éclair de mon jean et le fit glisser le long de mes jambes jusqu’à ce que je me retrouve en culotte. Il passa sa main sur le tissu en appuyant. Le frottement du coton et de ses doigts me fit frissonner. Il laissa échapper un grognement lorsqu’il m’enleva ma culotte et que je me retrouvai entièrement nue devant lui.
— Oh, Chaton, tu es si belle. Délicieuse, souffla-t-il avant de m’embrasser avec une précision qui me fit tourner la tête.
Il redescendit lentement jusqu’à mes seins et aspira chaque téton tandis que sa main cherchait mon ventre. Il agitait ses doigts en d’expertes caresses, comme s’il connaissait tous mes secrets, et je me mordis la lèvre pour étouffer mes cris. Lorsque je sentis son pouce faire le tour de mon intimité avant que son majeur me pénètre, un désir irrépressible m’envahit.
J’émis un son rauque de protestation lorsqu’il s’interrompit. Il dégagea sa main, sa bouche quitta mes seins et il fit descendre ses lèvres sur mon ventre. Ce n’est que lorsqu’il dépassa mon nombril que je compris son intention.
— Bones, attends ! haletai-je, choquée.
Il s’interrompit, sa bouche toujours sur mon ventre.
— Tu veux qu’on arrête ? demanda-t-il.
Le rouge me monta aux joues. Je ne parvenais pas à mettre les mots sur mon objection.
— Euh... non, n’arrête pas tout, juste... euh, je ne crois pas que ce soit opportun...
Il émit une sorte de grognement.
— Moi, si, marmonna-t-il avant de continuer à descendre.
Au premier contact de sa langue, mon esprit s’éteignit littéralement. Il commença par me lécher lentement et longuement, laissant ma peau brûlée au fer rouge. Une nouvelle caresse humide, puis encore une autre, plus profonde cette fois, et ma pudeur fut emportée par des vagues de chaleur pure. Il écarta un peu plus mes jambes et les mit sur ses épaules tout en continuant à fouiller la chair tendre et rose de mon intimité.
Je ne protestais plus, car je ne pouvais plus parler. Des gémissements qui me semblaient ceux de quelqu’un d’autre sortaient de ma bouche, de plus en plus forts, et j’étais secouée de spasmes violents de plaisir. Je me tordais sous son contact et je le sentais explorer chacune de mes nuances en une intimité choquante. Mes hanches se cambraient malgré moi et une douloureuse sensation de vide s’amplifiait en moi à chaque caresse de sa langue. Il me poussait jusqu’à une limite que je n’avais jamais expérimentée jusque-là et dont je me rapprochais de plus en plus vite. Bones augmenta la pression, faisant monter l’intensité de plusieurs crans, et lorsque sa bouche s’installa enfin sur mon clitoris et qu’il le suça, je ne pus retenir mes hurlements.
Des tessons d’extase jaillirent de moi, partant de mon entrejambe pour rejoindre en un éclair mes extrémités. Je pensais que mon coeur allait exploser, mais ses battements ralentirent et ma respiration se fit moins hachée. Le feu qui m’avait envahie laissa soudain la place à une sensation chaude et euphorique qui se répandit dans tout mon corps et me fit ouvrir brutalement les yeux de surprise.
Bones glissa le long de mon ventre et prit mon visage entre ses mains.
— Tu n’as jamais été si belle, me dit-il, la voix vibrante de passion.
Mon corps tremblait encore de l’intensité de ce que je venais de ressentir, mais nous étions arrivés à la partie que je redoutais. Je me raidis en le sentant se placer entre mes jambes.
— N’aie pas peur, murmura-t-il avant de m’embrasser.
L’espace d’un instant, je fus gênée en pensant à ce qu’il venait de faire, puis je trouvai la nouvelle saveur salée de sa bouche aussi provocante que stimulante. Sa langue s’enroula autour de la mienne pendant que son membre glissait le long de mon pli humide. Je frémis, mais il se contenta d’en balayer l’extérieur avant de se retirer et de recommencer. Encore. Et encore. Les mouvements de sa langue épousaient ceux de son corps, faisant renaître le désir douloureux que j’avais précédemment ressenti avec davantage d’intensité.
— Dis-moi quand tu seras prête, murmura-t-il un long moment plus tard, ou bien si tu veux que j’arrête. On n’est pas obligés d’aller plus loin pour l’instant. Je passerai le reste de la nuit à te goûter, Chaton, j’adore ça. Laisse-moi te montrer à quel point.
Bones fit délibérément descendre sa bouche plus bas, mais je le retins pour qu’il reste là où il était.
— Dis-moi, gémit-il.
Je poussai un cri en sentant le mouvement de ses hanches.
Mon coeur battait la chamade tant j’étais nerveuse, mais il n’y avait qu’une seule réponse possible.
— Maintenant.
Il me donna un baiser étourdissant et prit appui sur ses bras. Le contact de cette chair dure qui pénétrait la mienne me coupa le souffle. Tout mon corps fut parcouru de frissons lorsqu’il s’enfonça plus avant, et j’enfouis mon visage dans son cou en tremblant. Il continua plus profondément, et une sensation d’incroyable plénitude m’envahit. Lorsqu’il fut entièrement en moi, il s’immobilisa et ferma brièvement les yeux avant de me regarder.
— Ça va, ma belle ?
C’était une sorte d’intimité que je n’avais encore jamais expérimentée : il était à l’intérieur de moi et nous nous regardions dans les yeux. Incapable de parler, je ne pus que hocher la tête.
Il bougea en moi, en un léger mouvement de va-et-vient. Le plaisir inattendu que je ressentis alors me fît haleter. Il recommença, plus vigoureusement cette fois. Avant d’avoir pu reprendre le contrôle de ma respiration, il ressortit presque entièrement et rentra en un seul coup de reins qui me fit pousser un geignement. Mon corps tout entier se couvrit de sueur et un désir aigu et primaire me transperça.
Bones tendit la main, passa sa paume sous mon dos et descendit jusqu’à ma hanche. Il m’attira contre lui en faisant bouger mon corps au rythme de ses mouvements. Je pris rapidement la cadence et le contact accentué qui en résultait me fit tourner la tête d’excitation. J’expérimentai de nouveau cette étreinte intime que chaque mouvement rendait plus intense jusqu’à ce que mon corps n’irradie plus que d’une seule pensée.
— Encore...
La part rationnelle de mon esprit ne pouvait croire qu’une telle exigence soit sortie de ma bouche. Bones émit un petit rire guttural, presque un grognement, et il accéléra la cadence.
Mes mains, qui n’étaient pas encore descendues plus bas que son dos, se déplacèrent avidement sur ses hanches. J’agrippai sa chair ferme, sans la moindre retenue désormais. Il me semblait que je ne pourrais jamais être rassasiée, ni me rapprocher suffisamment de lui, de son corps. Chaque nouveau coup de reins rendait cette sensation plus intense, et je désirais le sentir en moi plus que tout ce que j’avais désiré auparavant. Je l’embrassai si compulsivement que je me blessai contre l’un de ses crocs. Je l’entendis grogner lorsqu’il aspira le sang qui coulait de ma lèvre inférieure.
— Si acre, si doux, murmura-t-il d’une voix pâteuse.
— Arrête... ça.
À bout de souffle, je parlais d’une voix saccadée.
Il se lécha les lèvres en savourant le goût de mon sang.
— Maintenant, tu es aussi à l’intérieur de moi.
Et il me tint encore plus serrée, si tant est que ce fût possible.
Ses mouvements se firent plus intenses et je perdis le contrôle de ma respiration. Oubliant mes dernières hésitations, je bougeai vigoureusement sous lui tandis que j’enfonçais mes ongles dans son dos. Je plantai mes dents dans son épaule pour étouffer un cri, et je le mordis jusqu’au sang.
Il tira ma tête en arrière et sa langue revint explorer ma bouche.
— Plus fort ?
— Oh, oui, répondis-je dans un gémissement, sans m’inquiéter de l’indécence de mes paroles.
Bones abandonna tout contrôle avec une délectation évidente. Ses hanches se pressèrent contre les miennes avec une sauvagerie maîtrisée. Jamais je n’avais ressenti un tel plaisir. Les cris que j’avais retenus jusque-là sortirent de ma bouche en un flot régulier, ce qui le motiva encore davantage. Arrivés au paroxysme de leur intensité, ses mouvements se firent plus rapides et plus vigoureux, obéissant à une cadence que j’aurais pu qualifier d’impitoyable si elle ne m’avait donné autant de plaisir.
D’une certaine manière, cela me rappelait les effets de la drogue. Tout, à part Bones, semblait tourner autour de moi et perdre de sa consistance. Je percevais de nouveau un rugissement lointain, mais il venait des battements sourds de mon coeur. Toutes mes terminaisons nerveuses étaient submergées de plaisir, dans l’attente de l’explosion de la jouissance ultime.
Très vite, je me retrouvai déconnectée de mon corps. Cette créature haletante qui se tortillait sur ce lit ne pouvait être moi. Pourtant, je n’avais jamais été aussi consciente de ma peau, de chacune de mes inspirations, et du sang qui coulait à flots dans mes veines. Avant que le dernier de mes nerfs hypertendus lâche, Bones saisit ma tête entre ses mains et me regarda dans les yeux. Un cri m’échappa lorsque le barrage céda et que l’orgasme me submergea. Il était plus fort que le premier, d’une certaine manière plus profond, et me laissa des picotements sur tout le corps.
Bones grogna au-dessus de moi, le visage déformé par l’extase alors qu’il s’affairait encore plus rapidement en moi, ses yeux rivés aux miens. Je ne pouvais détourner mon regard et je vis qu’il perdait le contrôle dans le reflet de ses yeux verts. Il m’agrippa tandis qu’il se laissait aller au plaisir. Ses baisers devinrent presque douloureux et il trembla l’espace de plusieurs secondes.
Lorsque je me dégageai de son étreinte pour respirer, il se coucha à côté de moi. Il me tenait toujours dans ses bras pour garder nos corps en contact. J’avais l’impression que mes poumons manquaient d’oxygène, et Bones lui-même respira une ou deux fois – un record, comparé à son rythme respiratoire habituel. Petit à petit, je parvins à reprendre le contrôle de ma respiration, et mon coeur se remit à battre à un rythme plus lent. Bones tendit la main pour écarter de mon visage mes cheveux trempés de sueur et il sourit avant de m’embrasser sur le front.
— Et dire que tu pensais avoir un problème.
— J’ai vraiment un problème. Je ne peux plus bouger.
C’était vrai. Allongée à côté de lui, j’essayais de bouger mes bras et mes jambes mais ils refusaient de m’obéir. Visiblement, mon cerveau était temporairement hors service.
Il sourit et se pencha pour lécher mon téton le plus proche, qu’il se mit à suçoter doucement. Après ce qui venait de se passer, l’aréole était ultrasensible, et je sentis comme des milliers de pointes de plaisir affluer au sommet de mon mamelon. Juste avant que l’aréole devienne complètement insensible, Bones s’arrêta et entreprit de faire la même chose à mon autre téton.
Alors que je baissais les yeux, quelque chose capta mon regard.
— Est-ce que je saigne ? demandai-je, surprise.
Ça ne ressemblait pas exactement à du sang, et mes règles ne devaient arriver que dans une semaine. Pourtant, il y avait un peu de liquide rose qui coulait le long de l’intérieur de ma cuisse.
C’est à peine s’il regarda.
— Non, ma belle. Ça vient de moi.
— Qu’est-ce que... ? Oh, je vois.
Question idiote. Il m’avait déjà dit que les larmes de vampire étaient roses. Visiblement, c’était le cas de tous leurs fluides corporels.
— Laisse-moi me lever, je vais aller me laver.
— Ça ne me dérange pas. (Il avait soufflé les mots sur ma peau.) C’est à moi, après tout. Je vais arranger ça.
— Tu n’es pas censé te retourner de ton côté et t’endormir ?
N’était-ce pas ainsi que les choses se passaient habituellement ?
À moins qu’il aime réellement faire des câlins après, les choses prenaient un tour très sérieux tandis que sa main recommençait à descendre vers la partie la plus sensible de mon anatomie.
Il s’interrompit et se mit à rire, levant sa tête de mes seins.
— Chaton, me dit-il en souriant, je suis loin d’être fatigué. (Son regard me donna des frissons.) Tu n’imagines pas tous les fantasmes que tu m’as inspirés. Pendant notre entraînement, nos corps à corps, les nuits où je te voyais te faire draguer par d’autres hommes... (Bones se tut pour m’embrasser si intensément que j’en perdis presque le fil de la conversation.) Et pendant tout ce temps, je voyais ton regard rempli de crainte chaque fois que je te touchais. Non, je n’ai pas sommeil. Pas tant que je n’aurai pas goûté chaque centimètre carré de ta peau. Je veux t’entendre hurler de plaisir encore et encore.
Il entreprit de nouveau de suçoter mes seins et de les mordiller. Le frottement de ses crocs sur mes aréoles était chargé d’un érotisme effrayant.
— Un jour, j’irai trouver ton ancien copain et je le tuerai, marmonna-t-il si bas que je l’entendis à peine.
— Quoi ?
Avait-il vraiment dit ça ?
Une aspiration puissante de sa bouche me fit perdre le fil de mes pensées, puis une autre, et encore une autre, jusqu’à ce que mes soucis disparaissent totalement sous les assauts sensuels que subissaient mes tétons. Au bout de quelques minutes, il les regarda et sourit, satisfait.
— Rouge foncé, tous les deux. Comme je te l’avais promis. Tu vois ? Je suis un homme de parole.
L’espace d’une seconde, je me demandai de quoi il parlait, puis je me souvins de cet après-midi où il m’avait appris à vaincre ma pudeur en m’infligeant des heures de discussions pornographiques. Le rouge me monta tout à coup aux joues.
— Tu ne disais pas toutes ces choses sérieusement, hein ?
Mon esprit se rebellait, mais mon pouls de plus en plus rapide trahissait une envie exactement contraire.
Il rit de nouveau, haussa un sourcil d’un air concupiscent, ses yeux reprirent leur teinte d’un vert pur et sa bouche glissa encore plus bas sur mon ventre.
— Oh, si, Chaton, j’étais on ne peut plus sérieux.
Je me réveillai, sentant quelque chose qui me chatouillait dans le dos. On aurait dit des papillons. J’ouvris les yeux, et la première chose que je vis fut son bras enroulé autour de moi, sa couleur pâle quasiment identique à la mienne. Bones était pelotonné contre mon dos. Ce que j’avais pris pour des papillons étaient en fait les baisers qu’il déposait sur ma peau.
Il n’a pas choisi la bonne profession, pensai-je tout d’abord. Il aurait dû rester gigolo, il se serait fait une fortune. Puis une seconde pensée, nettement moins agréable, me traversa l’esprit – Si ma mère me voyait, elle me tuerait ! –, et je me raidis.
Il s’arrêta de m’embrasser.
— Aurais-tu des regrets, après coup ? dit-il d’une voix où pointait la déception. J’avais peur que tu te réveilles et que tu t’en veuilles...
Je bondis hors du lit avant même qu’il ne termine sa phrase, comme si j’avais été propulsée par un canon. Je devais réfléchir à ce que j’allais faire, et je n’y arriverais pas tant que je me trouverais dans la même pièce que Bones. Sans même prendre le temps de chercher ma culotte ou mon soutien-gorge, j’attrapai une chemise au vol et enfilai mon jean. Bon sang, ma clé, qu’est-ce que j’avais fait de ma clé ?
Bones s’assit.
— Tu ne peux pas te sauver comme ça et prétendre qu’il ne s’est rien passé.
— Pas maintenant, dis-je d’une voix désespérée en essayant de ne pas le regarder.
Ah, mes clés, enfin ! Je les attrapai et sortis de la chambre en courant.
— Chaton...
Je ne m’arrêtai pas.